Cyrano

Il me faut une armée entière à déconfire !
J'ai dix coeurs, j'ai vingt bras, il ne peut me suffire
De pourfendre des nains ! Il me faut des géants !

Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand

vendredi 8 décembre 2017

Au 30 novembre 2017 minuit, il me manquait 4000 mots, mais je partais le lendemain réaliser mon plus vieux rêve d’enfant, alors je l’ai pas si mal vécu.

Pour celles et ceux qui suivaient mes péripéties du mois de novembre malgré mon manque de communication sur le sujet, vous aurez noté que j’ai échoué au NaNoWriMo à 4000 mots près. Les études se sont foutues dans le chemin, comme d’habitude -et puis je me suis retrouvé bloqué, d’ailleurs je le suis toujours, va falloir bosser dur si je veux boucler ce tome 3 avant le 31 décembre (spoiler alert : IMPOSSIBLE N’EST PAS CORNEILLE !).

Faut dire aussi qu’au dernier jour du NaNo j’avais autre chose à penser que le NaNo et ma dissertation de civilisation anglo-saxonne. Mon père m’avait déjà dit trois fois d’aller faire mon sac, il était 22h, j’avais fait une check list et j’étais persuadé d’oublier quelque chose. Je suis allé me coucher avec ce sentiment rageant, mon sac plus ou moins bouclé -ça se termine toujours au petit matin et en catastrophe, ce genre de chose. Vendredi, je suis partie en cours avec ce truc monstrueux sur le dos -dans lequel j’avais pourtant pris soin de laisser de la place pour les éventuels nouveaux locataires de ma PAL que je comptais bien ramener de Montreuil. À mi-chemin du campus, la chose que j’ai oublié me frappe figurativement : je n’ai pas pris de sac vide pour transporter mes affaires de dédicace sur le salon sans avoir à me trimballer mon backpack de baroudeur. Je textote le paternel pour râler que « je savais que j’allais oublier quelque chose !!! ». Il vole aussitôt à mon secours et s’engage à me retrouver à la gare avec un de mes (trop) nombreux sac à dos. Vive le paternel !

La créature en question.
13h52, gare de Toulouse Matabiau, le train s’ébranle. Je voyage en première pour la première fois de ma vie et je passe une part non négligeable du trajet à couiner dans ma tête parce que y a un chaton aux pieds de ma voisine de derrière -lequel finira par venir se caler entre moi et la fenêtre pour se faire papouiller, confère twitter et la photo sur ma page facebook. Le temps file vachement vite quand on est en train de péter un câble dans sa tête, j’arrive à Paris avant d’avoir compris ce qui m’arrive, il fait froid, ma mère est au bout de sa vie, on retrouve toute la petite famille au restaurant où travaille mon frangin (si vous n’êtes pas végétariens, Canard et Champagne, passage des Panoramas, faîtes vous plaize), et puis dodo parce que demain faut se lever, mine de rien.

C’est avec la bénédiction grand-maternelle (ma grand-mère m’héberge, elle habite à 15 minutes à pied du palais des congrès de Paris-Est, où se déroule l’évènement chaque année depuis aussi loin que je puisse m’en souvenir) que je me mets en marche samedi à 9h45 dans un froid polaire et avec un trajet plus ou moins précis en tête -j’ai regardé google map avant de partir. Je m’égare un peu en chemin mais je croise un bébé berger malinois qui essaie de me manger le bras pendant que je lui gratte les oreilles alors on va dire que c’était le destin -les chiots font partie de mes Signes. Si je croise un chiot sur le chemin, ou bien s’il y a un chiot là où je me rends, c’est un Bon Signe. (Notez que l’absence de chiot n’est pas nécessairement un Mauvais Signe.) (Le chaton dans le train était aussi un Bon Signe, rappelez-moi de vous faire un post de blog sur les Signes et leurs significations, un de ces jours.)


Et puis soudain, nous y v’là. Plus qu’un passage piéton à franchir. Il y a déjà foule, pléthore de familles, d’enfants et de classes en sortie extra-curriculaire, qui se hâtent de franchir les barrières et la sécurité vers le guichet et l’entrée publique. J’en coupe ma musique, range écouteurs et iPod dans la poche du manteau deux tailles trop grand, piqué dans la garde robe de mon frère il y a des lustres parce que le swag ça se trouve pas sous le sabot d’un cheval. Fallait m’entendre glousser en sautillant gaiment vers la porte C (réservée aux scolaires et aux professionnels. Je suis un professionnel, désormais. Mes douze aïeux… Je vais jamais m’en remettre.). (Oui, j’ai douze aïeux, je sais, c’est pas donné à tout le monde.)
C’est avec une allégresse non dissimulée que je passe la sécurité en trois fois parce que j’arrête pas d’oublier dans mes poches des trucs qui font sonner le portique. Puis la queue au guichet. Puis que je bavarde avec la dame qui me donne mon badge -oh putain, ça y est, j’ai un badge dans les mains, je… Je pourrais pleurer. Je veux dire, j’ai un minimum de dignité, je ne pleure pas, je me contente de couiner dans ma tête, mais vous voyez le topo ? Je peux continuer ? Bon.
Je rentre, je montre mon badge à la sécurité (squiiiiiiiiiiii), je textote ma sœur qui m’attend en se liquéfiant parce qu’elle a rendez-vous avez des éditeurs, je les retrouve, elle et son énorme book, on se fait un câlin, on couine, je la dépose à son rendez-vous, on se refait un câlin, on re-couine, on se promet de se retrouver après pour tout se raconter, on couine une dernière fois, et puis je pars en quête du stand L12 parce que couiner, même à plusieurs, ça va cinq minutes, les gens commencent à me regarder comme s’ils soupçonnaient que je sois un cochon déguisé en auteur. (Notez que j’ai rien contre les cochons, hein, c’est très gentil et mignon, comme bestiole.)

Du coup je m’en vais poursuivre mes couinements en compagnie de Fanny sur le stand de Brage. Enfin, je continue un peu de couiner et puis j’arrête parce que faudrait voir à garder une réputation à peu près correcte auprès de tous ces gens, hein.
J’ai le temps de faire un rapide tour aux stands des environs et puis tout à coup il est 11h, je suis assise derrière une table avec quelques bouquins, c’est la fin du monde, je vais mourir, qu’est-ce que je fais là, argh.

Preuve que c'est arrivé pour de vrai.
Deux heures de défilé, les enfants. Sérieux, c’était la folie. Je veux dire, à côté de la file d’attente hystérique d’Olivier Gay c’était le désert, mais en vrai c’était ouf, j’ai quasiment signé tout du long. Dix bouquins en deux heures quand c’est à peu près ce que je vends en une journée sur les autres salons, j’ai halluciné. J’ai bavardé avec plein de gens, rencontré un ami d’internet, vendu à un jeune homme de 14 ans que j’ai re-croisé plus tard en train de me lire en marchant (la gloire, les gens, la gloire), signé un carnet pour une lectrice qui n'avait pas pu se déplacer mais envoyait sa pote à sa place (là pour le coup j'ai vraiment halluciné), j’ai fait connaissance avec plein de gens trop cools de chez Bragelonne, c’était ouf. Ouf. Je les ai pas vu passer, les deux heures de dédicace. Je repensais à toutes les fois où, dans les allées du salon, la jeune visiteuse que j'étais s'imaginait à la place des auteurs, de l’autre côté de la table de dédicaces. Tous les rêves ne deviennent pas réalité, mais quelques uns, de temps en temps… Putain.

Ensuite ça a été plus calme mais pas moins fou (ne serait-ce que parce que j’avais un badge) : j’ai retrouvé ma sœur (qui était aussi excitée que moi parce qu’elle avait des trucs à envoyer à un éditeur, mais aussi qui en avait ras le bol du book de quatorze tonnes alors on a cherché le vestiaire pendant vingt minutes), on a déjeuné, fouiné parmi les stands, bavardé avec des illustrateurs et des auteurs, fait un peu de repérage pour Noël parce que mine de rien on va avoir les quatre ouistitis avec nous, va falloir être à la hauteur, et puis ça s’est passé. N’ayant pas un rond en poche le samedi, je me suis contenté de repérer avant d’aller rejoindre ma mère pour prend un café en centre-ville.

Paris est grise, froide, pleine de gens pressés qui font la gueule. Je ne suis jamais mécontente d’y revenir mais elle ne me manque pas en tant que port d’attache, je préfère définitivement le calme et l’amabilité toulousaine.

Le soir tombe, je traverse une partie de la ville glacée pour rejoindre les copains pour le traditionnel restau du samedi soir. On fait ripaille entre auteurs et éditeurs, et même si je suis trop décalqué pour tenir plus de cinq minutes de conversation, j’apprécie leur compagnie, comme toujours.

Et puis on est dimanche, je suis de retour en dédicaces, de nouveau ça signe et ça piapiate en continue -tout en se gavant de sucreries parce qu’on a eu la bonne idée de nous fournir en M&Ms, biscuits et bonbons. Une copine de lycée que j’avais pas vu depuis des années me fait la surprise de venir acheter mon livre -et me renvoie cinq ans en arrière par la même occasion (big up Aliénore !). Et puis je m’en vais cavaler entre les stands sans déjeuner (c’est que j’ai un train à 16h52, mes enfants), je m’arrache les cheveux en cherchant des cadeaux, finalement j’achète majoritairement des trucs pour moi, je repasse au stand dire au revoir, je remballe mon barda, je fonce à la Gare Montparnasse, j’achète une viennoise aux pépites de chocolat parce que j’ai faim et que c’est l’heure du goûter, je lève les yeux vers les panneaux d’affichage, et là je note deux choses, dans cet ordre :
Photo prise le lendemain, le panneau fonctionnait.
1) On n’arrête plus le progrès ! Renault fait des pubs avec hologrammes, maintenant. (Photo)
2) Tiens, le panneau d’affichage est cassé.
Et par cassé, je veux dire qu’il est vide. Rien d’afficher, aucun train, zéro. Des yeux, je cherche un autre écran. J’en trouve plusieurs, tous vides. Okay. Je retourne chez Paul qui vient de me vendre mon goûter, je demande ce qui se passe parce qu’on comprend rien à ce que dit la dame au micro, comme d’habitude.
« Aucun train ne part de cette gare aujourd’hui, Madame. »
Ah. Ok. Vraiment ? Ok. Bon. Ok. Plan B.



Après démêlage avec un contrôleur, et sur ses recommandations, je fonce toutes voiles dehors vers la Gare d’Austerlitz, vers où ont été redirigés tous les trains qui devaient partir de Montparnasse. Je ne le sais pas encore à ce stade, mais le problème se révélera lié à un bug informatique qui a fait planter tout le système. Sur le chemin d’Austerlitz (on dirait que je pars en guerre, je vous rassure tout de suite, Napoléon n’était pas impliqué dans l’incident), je me fais la réflexion que rediriger tous les voyageurs de Montparnasse ne va pas être possible, ne serait-ce que dans la mesure où les trains d’Austerlitz doivent déjà avoir des voyageurs et donc y aura pas de place pour tout le monde. Tant pis, je suis en route, maintenant, et mon téléphone n’a plus de batterie, impossible de prévenir qui que ce soit.

Austerlitz. Je le dis avec beaucoup de gravité pour faire dramatique parce qu’en vrai on aurait dit la deuxième moitié du prologue de mon tome 2 (coucou, Hélène !) : y avait des gens partout, ça grouillait de monde, on pouvait à peine se déplacer, les gens étaient collés, les gamins perchés sur les épaules, c’était post-apocalyptique, personne ne savait que faire, et les points informations étaient tellement bondés qu’on ne pouvait même pas s’en approcher. Je zieute vers les panneaux d’affichage, espérant sauter dans le prochain train pour Toulouse. Je n’en vois aucun, le plus proche s’arrête à Bordeaux. Misère de misère. Au milieu de la cohue, une bonne âme me prête un téléphone et je sonne les parents -le paternel pour l’avertir que je risque de ne pas rentrer ce soir, la maternelle pour l’avertir que je risque de débarquer ce soir. Deux options s’offrent à moi : prendre un train pour Bordeaux (en admettant que j’arrive à y monter) et de là une correspondance pour Toulouse (en admettant que j’en trouve une), ou bien rentrer passer la nuit chez ma mère et repartir le lendemain matin. Après moult discussions avec mes camarades de mouise, on en conclue que je fais aussi bien de dormir à Paris, alors je fais demi-tour comme je peux dans la foule compact, je nage jusqu’au métro, et je m’en vais retrouver le confort d’un canapé familier.

Et c’est ainsi, mes enfants, que je me retrouve à vous écrire ce billet un peu long dans un Paris-Bordeaux, en ce lundi matin plein de brouillard (big up à Émilie, appelée à la rescousse dimanche soir, et qui m’avait remplacé mon billet à 9h30 ce matin). On frôle les 300 kilomètres/heure, j’ai un peu faim, j’ai manqué les cours (mais ça pour le coup je m’en remettrai ^^), j’ai fini ma dissert, j’ai de la lecture et de l’écriture à ne plus savoir qu’en faire, et des souvenir magnifiques plein la tête. C’était encore plus extraordinaire que je ne m’y attendais, et je ne souhaite qu’une chose : y retourner l’an prochain.


Livres dédicacés : 16 + un carnet
Livres achetés :
- Cyrano de Bergerac en BD
- Sirius, de Stéphane Servant
- Narnia (Chapitre 2 : Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique), pour le Noël de ma nièce.
- Le combat d’hiver, de Jean Claude Mourlevat
(Inutile de me faire remarquer que, sur les quatre ouistitis avec qui je vais passer Noël, je n’ai pour le moment qu’un seul cadeau. Je me le fais très bien remarquer tout seul.)

Love sur vos têtes -en particulier celles de toutes les personnes qui ont rendu ça possible.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire