Cyrano

Il me faut une armée entière à déconfire !
J'ai dix coeurs, j'ai vingt bras, il ne peut me suffire
De pourfendre des nains ! Il me faut des géants !

Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand

mercredi 12 juin 2013

A comme Aujourd'hui : quelque soit la raison de cet envoi inattendu, après lecture je suis allée jeûner trois jours au temple des Livres de Bouquinbourg...

Alors comment vous expliquer... Je ne sais pas si la réception de ce roman doit sa traduire par :
a) on te garde.
b) ceci est un cadeau d'adieu.
c) en réalité Multiversum n'était pas ta dernière chronique, on t'a bien eu, hein ?

Et pour être honnête je m'en fous : j'ai lu le roman le plus excitant que j'ai jamais lu de ma vie et je suis immensément reconnaissante à Gallimard pour ça. Vraiment. Merci. *essuie une larme*

A comme Aujourd'hui
de David Levithan



Résumé : A n'est personne. A est tout le monde. Chaque matin, à son réveil, il est quelqu'un d'autre. Lycéen fumeur un jour, junkie le lendemain, obèse le surlendemain, suicidaire le jour suivant... Pendant vingt-quatre heures à partir de minuit, il emprunte la vie d'un ou d'une américaine de seize ans. Puis recommence chez quelqu'un d'autre le lendemain, et ainsi de suite. Ça ne s'arrête jamais, il ne se réveille jamais deux fois dans le même corps, et pour ce qu'il en sait c'est comme ça depuis sa naissance. Il vit la vie au jour le jour, incapable d'anticiper l'avenir au delà de vingt-quatre heures et n'ayant aucun moyen de se raccrocher au passé.
Ce matin là, A s'appelle Justin. Fumeur, mauvais caractère, pas spécialement intéressant.
Ce jour-là, A rencontre Rhiannon, la petite amie de Justin. Et tout change.

Ma chronique : Inutile de vous cacher, j'ai parfaitement entendu les "Oh, encore une histoire d'amour... !". Taisez-vous immédiatement, ouvrez grandes vos esgourdes -ou plutôt vos mirettes vu que c'est un texte...
Ce livre est une tuerie. Non, sans rire, j'ai passé quarante-huit heures dessus (grosso modo) sans pouvoir le lâcher, même quand y avait du monde autour de moi. J'avais tout à fait conscience d'être d'une grossièreté affligeante mais je ne pouvait pas faire autrement que lire la suite ! Chaque chapitre est différent, réserve une surprise, et il est impossible d'anticiper ce qui va se passer. On est exactement comme A : on vit au jour le jour (enfin, au chapitre le chapitre) en sachant que chaque fois qu'il planifie quelque chose, la probabilité que tout se déroule comme prévu avoisine le zéro absolu. On a les mains moites, on se redresse d'un coup avec une exclamation presque à chaque nouvelle page, à chaque nouveau chapitre on essaie de se préparer mentalement (À quelle sauce va-t-il être mangé cette fois...) mais y a rien à faire, on tombe toujours des nues... Et c'est bon !

Alors oui, c'est une histoire d'amour. En fait non, avant tout c'est une histoire d'identité, de perception du monde et de la façon dont nous vivons nos vies. Dans un livre à la première personne où le personnage principal est tour à tour garçon, fille, trans, gay, lesbienne, bi, schizophrène, junkie, obèse, dépressif, métaleux, geek, religieux, et j'en passe, il est impossible de focaliser son regard quelque part. A est une immense toile d'araignée et on ne sait jamais où regarder parce qu'on a peur de louper un détail. On apprend que chaque journée, chaque tranche de vingt-quatre heures dans nos vies est importante -parce que ce mode de vie oblige A à marcher continuellement sur des oeufs pour ne pas semer la pagaille derrière lui. Le jour où on part en vacances, le jour de la messe, le jour de la gay pride, ce jour d'école si banal et pourtant si exceptionnel, le jour où on adresse la parole à ce garçon, le jour où notre mère nous dit qu'on peut inviter cette fille à la maison si on veut, le jour où on veut se suicider... A se sent toujours comme un voleur ou un voyeur -personnellement je le verrai plus comme un squatteur.

Rhiannon est plutôt l'élément perturbateur dans la vie si bizarre et en même temps si bien contrôlée (enfin, façon de parler) du héros. Pour la première fois elle lui donne envie d'essayer de se projeter dans l'avenir et A se retrouve à jongler avec des couteaux, essayant désespérément de ne pas piétiner les vies qu'il en emprunte tout en vivant la sienne. Y arrivera-t-il ou non ? Il faudra lire le roman pour le savoir, mes enfants.

Donc vous l'aurez compris, c'est un grand bravo, un grand merci, et une immense incitation à la lecture ! Sérieusement ! Lisez ce livre ! Vous ne pourrez plus le lâcher.