Cyrano

Il me faut une armée entière à déconfire !
J'ai dix coeurs, j'ai vingt bras, il ne peut me suffire
De pourfendre des nains ! Il me faut des géants !

Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand

jeudi 16 mai 2013

Multiversum

Multiversum
de Leonardo Patrignani

Oui, elle est belle la couverture. Mais on s'excite pas dessus , s'il-vous-plaît : ne jamais juger un livre à sa couverture !
Résumé : Alex et Jenny ont seize ans. Le premier vit à Milan, la seconde à Melbourne, en Australie. À des milliers de kilomètres l'un de l'autre, donc. Pourtant, au cours d'étranges crises qui pourraient s'apparenter à de l'épilepsie, les deux adolescents entre en communication télépathique. Alex finit par se décider à se rendre à Brisbane pour rencontrer cette fille étrange qu'il ne connaît pas mais avec l'esprit duquel il est pourtant en relation.
Il n'y a personne au rendez-vous. Pourtant Jenny s'y trouve bel et bien. Au fil de leurs recherches, Alex et son ami Marco finissent par découvrir que la jeune fille pourrait bien vivre dans un univers parallèle...



Autant le dire tout de suite : ça ne m'a pas plu. Il y a plusieurs raisons à ça et la plupart sont indépendantes de l'auteur, ce dernier n'est donc (presque) pas à blâmer.

- En voyant les commentaires dithyrambiques de ceux qui l'avaient reçu avant moi sur le mur facebook de Gallimard, je m'étais attendue à une bombe. Si je l'avais ouvert sans ce type de préjugés, probable que ça serait mieux passé.

- Je deviens de plus en plus exigente dans mes lectures avec le temps, et je ne sais pas si je dois haïr ou bénir celui que j'ai appelé pendant quelques mois mon parrain en écriture, pour ça. Avant je prenais mon pied en lisant Marc Levy. Maintenant je ne sais pas si c'est encore possible, faudra que je réessaie... Après je ne sais pas si ça vient de la traduction, et ne le saurais probablement jamais puisque je ne parle pas italien et que cette langue passe bien après l'anglais, l'espagnol, le russe et l'arabe dans ma liste de langues à apprendre dans les années à venir. Mais personnellement, je n'ai pas trouvé ça exceptionnel. Je vais développer ce point là dans ma chronique.

- LA raison principale pour laquelle je ne pouvais pas adorer ce bouquin et le trouver formidable : d'après ce que j'ai lu, ce qui a accroché et sidéré la plupart de mes camarades chroniqueurs, c'est l'aspect mondes parallèles, destins parallèles, et histoire d'amour qui transcende l'espace-temps. Il se trouve que... j'ai découvert ça il y a quelques années. Mon père regardait une série de SF, un été. Je me suis assise à côté de lui sur le canapé. J'étais partie pour cinq saisons de trip, sur le moment j'en savais rien. La série s'appelait Fringe, les héros Peter et Olivia. Dans la dimension d'Olivia, Peter est mort à l'âge de sept ans. Dans celle de Peter, il a été enlevé à ses parents au même âge. Ils ont la trentaine lorsqu'ils se rencontrent à Bagdad, et qu'Olivia force plus ou moins Peter à rejoindre le FBI à titre de consultant sur des affaires étranges... Bientôt la découverte de l'existence d'un univers parallèle plonge leurs vies et leur monde dans le chaos. Sur cinq saisons, l'amour qui les unit traverse même les épreuves les plus rudes. Bref, Abrams l'a déjà fait, et l'a tellement bien fait que personne ne fera jamais mieux -je vais essayer quand même, on sait jamais.

Développement de ma chronique :

J'ai compris votre explosion d'enthousiasme, amis chroniqueurs, quand j'ai lu que vous étiez ébahis par la découverte du principe du multivers et des mondes parallèles. Comme dis plus haut, dans mon cas il n'y avait là rien de bien nouveau, sans compter que depuis ma propre découverte de ce thème de SF, j'ai beaucoup cogité sur le sujet au point d'avoir déjà des débuts d'idées de roman...
Le problème, c'est qu'une fois qu'on enlève le côté très relativement innovant d'une histoire se déroulant dans des univers parallèles, bah... À mon sens il ne reste plus grand chose.

Les personnages : je les ai trouvé vains, vides. Assez paradoxal quand on avance un peu dans la lecture et que se développe le principe de plusieurs vies menées parallèlement par une seule et même personne. Pourtant on sait des choses sur eux : Alex est capitaine de son équipe de basket, Jenny fait de la natation à haut niveau. Alex vit dans un appartement qu'il n'aime pas, à Milan, et son meilleur ami est un geek de vingt ans nommé Marco. Jenny habite une maison à Melbourne, dans un quartier calme, près de l'océan.
Justement moi je trouve qu'ils ont trop en commun, nos deux personnages principaux. On dirait qu'ils ont été construits de la même manière. Après, s'ils s'étaient rencontrés de manière classique et s'étaient rapprochés par affinité, j'aurai trouvé ça logique : généralement, on devient amis et on tombe amoureux de gens avec qui on a des choses en commun, sauf coup de foudre et grande passion -vous savez, ces trucs qui ont tendance à se terminer très mal, dans les films et les romans ? Là, c'était quand même gros que sur les sept milliards d'habitants de leur planète, ils se mettent justement à communiquer par télépathie avec quelqu'un qui leur ressemble...
Le seul personnage qui m'ait un tant soit peu intéressé, c'est Marco. Peut-être parce que j'aime bien les êtres torturés... Cela dis, sur la fin, j'en avais un peu marre de le voir virer pleurnichard -on peut être sur le point de mourir et conserver un minimum de dignité, à plus forte raison quand on a un vécu comme le sien et qu'on a donc été endurci par les épreuves que la vie nous a infligé.

La relation Jenny/Alex : ceux qui me connaissent savent que je kiffe les histoires d'amour. Ça me fait vibrer, trépigner, fantasmer, rêver, pleurer, rire (nerveusement ou pas), en réclamer encore. Là j'ai rien senti. Mais alors rien de rien... C'était tellement... artificiel ! D'abord au début j'avais pas capté qu'ils étaient amoureux. Parce qu'entre nous si je me met subitement à communiquer par la pensée avec un garçon, c'est sûr que ça va occasionner un rapprochement sentimental, mais c'est pas pour autant que je vais tomber amoureuse de lui. J'exclus pas que ça arrive, mais c'est pas obligatoire, hein ? Si y a pas de feeling, y a pas. Sans compter que nos deux tourtereaux n'ont même pas pris le temps de faire connaissance ! Les échanges télépathiques ont été plutôt courts et creux, surtout au début, avant leur rencontre, vu qu'ils ne maîtrisaient pas encore très bien la chose. Donc on ne peut même pas dire qu'ils ont fini par tomber amoureux de la personnalité de l'autre.
Après, si on me dit que c'est une force cosmique qui les attire l'un vers l'autre à travers les univers... Je veux bien, je dis même "super ! Raconte !" et je dévore. Mais dans ce cas là, la force cosmique, je veux la voir, qu'on m'en parle, qu'on me la décrive. Je veux le sentir à travers les pensées et sentiments des personnages, cette force cosmique qui les attire l'un vers l'autre. Je veux les voir s'interroger sur le sujet, se demander ce qui leur prend, s'étonner de ces sentiments si forts envers quelqu'un qu'ils n'ont jamais rencontré et avec qui ils ont à peine communiqué.
Certes, on apprend plus tard qu'ils se sont déjà rencontrés avant... Mais n'empêche. Et d'ailleurs je n'ai lu nul part, au cours des flash-back et des retours de mémoire, qu'ils étaient soudainement envahi par une reminiscence de sentiments nés au cours de leur enfance... Bref, à mon sens une histoire d'amour pas crédible et creuse, qui ne m'a pas emportée une seule seconde.

Et puis franchement, les allers-retours Milan-Melbourne, y a personne d'autre que ça choque ? Ouais, carte prépayée, passeport et tout... Mais déjà je crois me souvenir qu'il faut un visa pour entrer en Australie. À en croire l'auteur, fuguer à seize ans et parcourir des milliers de kilomètres, c'est simple comme bonjour ! Bien pratique le copain geek pour pirater du fric à droite et à gauche, pour le coup, hum ? Fin bon...

Je ne vais pas épiloguer pendant deux siècles sur un roman qui ne m'a pas plu. Ai-je besoin de mentionner l'aspect répétitif de certains paragraphes -oui, on a compris qu'Alex n'assume pas du tout la théorie de Marco sur les univers parallèles, pas la peine de lui faire répéter vingt mille fois "T'es fou ! Je ne te crois pas !"... Pareil, je conçois que Marco est un génie, qu'il y a déjà pensé avant et qu'il saute sur l'occasion pour croire en sa théorie, mais je trouve qu'elle tombe un peu comme un cheveux sur la soupe. Alex l'appelle pour lui dire qu'il s'est passé un truc bizarre, assez incompréhensible et inexplicable. Moins de vingt-quatre heures plus tard, l'hurluberlu se met à s'exciter sur la théorie du multivers. Mouais...

Du reste, le coup de l'astéroïde et de la fin du monde, on a passé toute l'année 2012 à s'exciter dessus, alors navrée mais ça fait un peu réchauffé en ce qui me concerne.

Y a un truc qui m'a plu : le dernier paragraphe. Les dernières phrases, surtout. Je visualise assez bien. Mais à moins de me le faire envoyer en chronique, je ne lirai pas le tome II. Navrée pour tous ceux qui ont aimé et que ma chronique déçoit, mais moi je n'ai pas accroché. Navré aussi pour le jeune auteur, qu'on dit très sympathique et impliqué. Mais après tout ça n'est jamais que son premier roman.

Note : Il s'agit peut-être ici de ma dernière chronique officielle. Gallimard recrute en effet une nouvelle volée de chroniqueurs. Ils vont sélectionner quelques anciens qui pourront rester, mais pas tous. Bien sûr je vais postuler, mais rien n'est garanti. Aussi, si cette chronique devait être la dernière, je tiens à remercier une fois de plus les éditions Gallimard pour ces deux années de collaboration. Après un tour complet de mes chroniques, je constate que j'ai adoré presque tous les livres que vous m'avez envoyé. Chroniquer pour vous fut un plaisir, et un excellent exercice. Si vous en me reprenez pas je continuerai probablement de mon côté, avec mes propres lectures.

Sur ce, salut à tous ! Rendez-vous je-sais-plus-quand-et-j'ai-la-flemme-de-vérifier pour le verdict.

Crôâ !