Cyrano

Il me faut une armée entière à déconfire !
J'ai dix coeurs, j'ai vingt bras, il ne peut me suffire
De pourfendre des nains ! Il me faut des géants !

Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand

mercredi 14 novembre 2012

Critique dans le cadre des match de la rentrée littéraire 2012

L'Amour sans le faire
de Serge Joncour
Éditions Flammarion



Dans le cadre de la Rentrée littéraire du site Price Minister, j'ai reçu et lu L'Amour sans le faire, de Serge Joncour, et doit donc ici en faire la chronique. Lien vers la fiche du livre sur Price Minister en fin de critique.

J'ai beaucoup de choses à dire sur ce livre, mais je vais commencer par vous faire partager la quatrième de couverture, un petit résumé, et vous expliquer pourquoi j'avais choisi celui-là parmi la liste d'ouvrages proposés.

Après dix ans de silence, Franck téléphone un soir à ses parents. Curieusement, c'est un petit garçon qui décroche. Plus curieusement encore, il s'appelle Alexandre, comme son frère disparu des années auparavant. Franck décide alors de revenir dans la ferme familiale. Louise, elle, a prévu d'y passer quelques jours avec son fils. Franck et Louise, sans se confier, semblent se comprendre. "On ne refait pas sa vie, c'est juste l'ancienne sur laquelle on insiste", pense Franck en arrivant. Mais dans le silence de cet été ensoleillé et chaud, autour d'un enfant de cinq ans, "insister" finit par ressembler à la vie réinventée.

Résumé : Franck s'est éloigné de sa famille en montant faire ses études puis sa vie à Paris. La vie à la campagne, très peu pour lui. Depuis toujours, il préférait voir le monde à travers la lentille de sa caméra. Il a fini par devenir cadreur, et travail au rythme des émissions, des documentaires, des reportages. Rien de trépidant. À plus de quarante ans, il vit seul et ne travaille pas souvent. Un jour, sans raison apparente, il décide de revenir à la ferme familiale. Ayant dans l'idée de prévenir de son arrivée, il téléphone. Il est surpris d'avoir un enfant au bout du fil. Plus surpris encore que cet enfant s'appelle Alexandre. Un Alexandre, il y en a bien eu un dans la vie de Franck, mais il est mort bien des années auparavant, ça ne peut pas être lui. Un peu perturbé, Franck raccroche, mais décide d'y aller quand même.
Louise vit seule à Clermont Ferrand depuis la mort d'Alexandre. Elle travaille dans un atelier de télécommandes où les six ouvrières restantes passent leurs journées de travail à tromper l'ennui en attendant qu'on leur annonce qu'elles sont au chômage. Sur l'insistance de ses collègues, Louise prend six jours de vacances, et va rejoindre son fils de cinq ans qu'elle a laissé à ses presque-beaux parents, dans leur ferme, à la campagne. Elle est d'autant plus soulagée de s'éloigner qu'un homme avec qui elle a eu une liaison se fait de plus en plus insistant...
Franck et Louise ne se connaissent que de loin. Pourtant ils se comprennent immédiatement. La présence de l'autre finit par allumer comme une lueur d'espoir dans leurs vies...

Pourquoi ce livre là : Ceux qui me connaissent auront deviné tout seul. J'aime les histoires d'amour. C'est niais, je sais. J'assume complètement. Ou pas. Bref.

Chronique : je suis un peu déçue. Navrée de commencer comme ça, mais c'est ce qui ressort principalement de ma lecture. À vrai dire, je crois que la quatrième de couverture est à mettre en accusation : le résumé qu'elle propose est un peu trompeur. En réalité, plus de la moitié du roman décrit les vies respectives de Franck et de Louise, l'un à Paris l'autre à Clermont Ferrand, et le trajet, bien que court, qu'ils doivent faire pour aller jusqu'à la ferme. Ça m'a donné l'impression d'une mise en situation qui durait, un incipit qui s'éternise. Je me suis surprise plusieurs fois à me demander quand est-ce que ça commençait, à devoir résister à la tentation de feuilleter quelques pages pour voir si le shmilblick avançait un peu plus loin. Après, faut préciser que je suis habituée à des bouquins qui bougent davantage. Moi mon truc c'est l'action, les dragons, les vaisseaux spatiaux, et parfois aussi les ados déchaînés qui badent un peu mais qui découvrent qu'ils peuvent s'en sortir en s'accrochant les uns aux autres. Donc, pas de panique, et ne vous laissez pas trop influencer par mes premières remarques.

Du reste, je pense qu'en format cinématographique, j'aurais adoré, parce que l'histoire me plaît beaucoup. Les paysages décris semblent grandioses, et Serge Joncour arrive très bien à nous faire rentrer dans son univers. La campagne en plein été, on y était -et pourtant je suis à Londres et l'hiver s'annonce, c'est dire. Je trouve également que le personnage d'Alexandre, un enfant de cinq ans, est particulièrement bien campé. Il est toujours difficile de rendre crédible un dialogue dans lequel intervient un enfant, surtout aussi jeune, car il faut coller à son âge. Dans le cas présent, l'auteur y parvient tout à fait -ce qui m'amène à me demander s'il côtoie régulièrement des enfants de cinq ans ou s'il est juste talentueux. En réalité, tous les dialogues sont bien amenés et adhèrent à la personnalité de leurs personnages. Il est difficile de faire la part des choses en ce qui concerne Franck et Louise, les deux "citadins", puisque leur langage n'a rien de particulier. Mais la manière dont s'expriment les parents de Franck, ainsi que ses anciens amis d'enfance, correspond tout à fait à de vieux paysans. Je pouvais presque entendre leur accent...

Par la suite, il n'y a pas énormément d'action, le temps s'écoule au rythme de la vie à la campagne pendant l'été. Campagne qui, comme partout en France, se vide peu à peu. Les champs ont laissé place aux terrains vagues pleins d'herbes sauvages, les chiens n'aboient plus, les moulins ne tournent plus. Ainsi, le roman met en avant, a dessein ou non, le destin de nos campagnes, qui semblent vouées à redevenir des zones sauvages et inhabitées à mesure que la population se retranche vers les villes et qu'on délocalise les usines.

Puisqu'il me faut noter ce livre, je lui donnerais un 16/20. Malgré qu'il ne s'y passe pas assez de choses à mon goût, je le recommande quand même, car il est bien écris. On s'y laisse prendre.

(Ceci étant dis, Papa abstiens toi. Maman, par contre, vas-y, toi tu vas aimer.)

L'Amour sans le faire, de Serge Joncour

Jo